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l'économiste, la gratuité, les logiciels libres, et les soucis du propriétaireLes lecteurs habituels d'une presse économique qui, souvent, et très tôt, a su, bien avant les périodiques informatiques grand public, apporter une information pertinente sur le développement rapide de l'utilisation des logiciels libres, et sur les acteurs spécialistes du secteur, RedHat, Mandrakesoft, et une SuSE aujourd'hui Novell, auront pu s'étonner, en parcourant les pages Idées des Echos en cette fin d'août 2004, de trouver sous la signature d'un professeur de l'Université Paris-IX Dauphine une analyse fortement critique de ces logiciels, exclusivement présentés sous l'angle de la gratuité qui leur est prêtée. Celle-ci, pour résumer en une phrase une argumentation qui n'en nécessite guère plus, se limite à un attrape-nigauds taillé sur mesure pour les administrations publiques, lesquelles s'apercevront trop tard, une fois le contrat signé, des surcoûts induits par leur migration vers l'OpenSource, et, à n'en pas douter, jureront alors qu'on ne les y reprendra plus. des standards identiques, des licences opposéesCela dit, on pourra s'attarder sur la liste des entreprises expressément nommées par notre économiste : IBM, RedHat, Novell, Sun, uniformément dénoncées comme promotrices du logiciel libre. En face, le valeureux propriétaire reste anonyme, moins sans doute parce que personne n'ignore son identité que pour se livrer à un curieux effet réthorique, qui va inverser les rôles, entre un logiciel libre pourtant pas très éloigné d'un bien commun, mais devenu ici simple instrument d'une stratégie commerciale par laquelle les entreprises citées visent à reprendre le terrain perdu sur le propriétaire de l'universel lequel, seul fournisseur du système et des applications de base que le monde entier utilise sur ses PC, livre de facto, et à un coût sur lequel on préfèrera ne pas insister, un bien public, puisque tout le monde s'en sert. Hélas pour lui, ses amis de Redmond ne lui ont pas tout dit : en abandonnant les principes autarciques de Windows NT© à l'occasion du passage à Windows 2000™, lequel s'appuie sur DNS, OpenLDAP, et autre Kerberos, Microsoft™ fait, rigoureusement au même titre que les distributions de Linux, et à un léger détail près, lourdement usage d'un code développé gratuitement, dont l'utilisation ne lui coûte pas un dollar, et ne s'en écarte que dans la mesure où il a choisi, comme avec son serveur web IIIS©, de promouvoir ses propres produits au détriment des standards du marché, Apache en l'occurrence. A l'inverse, les choix de Microsoft™, tous entiers résumés dans la transgression originelle du DOS qui stratifie ses chemins d'accès d'un \ là où son prédécesseur Unix, le papa de Linux, utilisait le /, ont toujours visé à imposer, d'une manière chaque jour plus globale, ses propres solutions au détriment des standards, réglementaires comme informels, lesquelles solutions ont toujours eu comme caractéristique fondamentale d'être construites contre ces mêmes standards. le tournant migratoireEn somme, Microsoft™ forge, depuis toujours, les armes de ses adversaires ; et, en la matière, la masse critique sera atteinte à cause de NT 4.0©. On sait que la mort de ce système maintenant vieux de huit ans aura lieu à la fin de l'année, Microsoft™ cessant dès lors d'en assurer la maintenance. Bien sûr, pendant longtemps encore, on pourra rouler au guidon de sa vieille Moto Guzzi, à condition de faire sa mécanique soit même, ce qui ne devrait pas être trop difficile compte tenu de la rusticité de l'engin, et de faire forger d'éventuelles pièces de rechange, ce qui pourrait se révéler plus délicat. Sauf qu'en matière d'informatique propriétaire il est interdit, faute d'accès autorisé au code source, de corriger soit même une erreur, voire d'écrire un pilote pour un nouveau périphérique, que, faute de maintenance, le développeur du système ne corrigera pas, ou ne prendra pas en charge. Mais si la formation des utilisateurs se limite aux habituels schémas de la bureautique, si celle d'administrateurs système sans doute au fait du fonctionnement d'Unix ne sera guère plus complexe, et sera de toute façon nécessaire, et équivalente quel que soit le système choisi puisque, comme on l'a dit plus haut, la mécanique des Windows 2000/2003 se rapproche plus de celle de Linux que de NT 4.0©, si l'abandon du camp Microsoft™ permet, justement, d'échapper aux migrations forcées comme celle-là, si le logiciel libre ne coûte que la peine d'apprendre à s'en servir et peut répondre très précisément, ni plus, ni moins, et sans être obligé d'acheter le connecteur machin pour faire fonctionner l'application truc que l'on avait malencontreusement omis dans le devis initial, qui se révèle indispensable pour faire tourner le bazar et a comme effet collatéral de doubler le montant de la facture, aux besoins, si les développements supplémentaires peuvent être versés au pot commun, à charge de revanche, si chaque année passée à utiliser des logiciels libres rentabilise un peu plus, et pour toujours, l'investissement initial de la migration, comment hésiter ? le retour du capitalEn fait, si l'on doit analyser, du point de vue de l'économiste, dans sa seule préoccupation pécuniaire, le succès des logiciels libres, ce sera moins pour s'intéresser à une mythique gratuité découlant d'une traduction paresseuse et biaisée du terme free que pour constater à quel point celui-ci vient rétablir un certain équilibre. On oublie vite, à voir le secteur du logiciel avec les yeux de Microsoft™, combien la fortune de cet acteur, née de la vente d'un produit très particulier, le système d'exploitation, qui ne devrait pas connaître d'existence économique autonome, puisqu'il doit nécessairement être confondu avec un ordinateur sans lequel ce dernier, ne pouvant fonctionner, ne peut légalement être vendu, relève de l'anormalité et des circonstances historiques particulières de la naissance du PC modèle IBM. La taille démesurée du séquoia solitaire Microsoft™, conséquence de sa situation de monopole total et mondial, qui en a fait le seul occupant de la case système d'exploitation pour PC comme de la cote logiciels bureautique, masque difficilement la forêt autrement plus variée et fournie du développement logiciel et des services informatiques ; sa forte visibilité détourne l'attention superficielle des réalités économiques d'un secteur qui ne tire que des ressources marginales de la vente de CD-ROMs dans des boîtes en carton. Au même titre que le monopole aujourd'hui passé d'Intel sur le microprocesseur, celui de Microsoft™ sur le système d'exploitation a permis à ces deux entreprises de récupérer une portion considérable d'une plus-value qui devrait normalemement s'effectuer plus en aval, par la vente au consommateur final d'équipements et de services informatiques. L'essence méme de la GPL, la licence qui gouverne Linux, conduit à rétablir cet équilibre, puisqu'elle permet de tirer des recettes de la vente de services, et pas de boîtes en carton, et se trouve donc coïncider avec le type de fonctionnement de la plus grande part des entreprises du secteur, celles qui ne dépendent pas, pour leur survie, de Microsoft™. Le paradoxe qui voit l'association entre IBM et une GPL que certains voudraient gauchisante, elle qui est née au MIT, ne fait que témoigner des méandres par lesquels, sur le long terme, les acteurs professionnels du système économique, au fait des conséquences de leurs choix, peuvent efficacement combattre les monopoles qu'ils subissent là où l'appareil réglementaire, avec des décisions judiciaires bien trop tardives, trop timorées, et trop soumises à l'influence d'une politique clientéliste, révèle son impuissance. Ainsi, StarOffice, cette suite bureautique, gratuite sous Linux depuis sa version 4.0, installée sur un marché allemand progressivement rongé par Microsoft™, qui donna finalement naissance, après son rachat par Sun, à un OpenOffice sous licence libre dont Sun peut incorporer les développements dans sa version payante, ou Mozilla, descendant libre d'un Netscape qui, autrefois principal navigateur web, et payant, fut anéanti par un Internet Explorer au profit duquel Microsoft™ ne se priva pas d'utiliser l'arme d'une gratuité qui lui valut un procès sans conséquence, illustrent-ils bien ces inattendus détours qui font le succès d'un logiciel libre devenu le meilleur atout pour reprendre les parts de marché abandonnées à Microsoft™. Denis Berger, 7 octobre 2004 |
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